

Google barricade son moteur de recherche avec l'IA et la pub
Face à la concurrence croissante des services d'intelligence artificielle (IA) générative, Google est obligé de transformer graduellement son moteur de recherche en assistant IA - mais il doit trouver une nouvelle place pour les liens et la publicité.
Le géant américain des technologies propose déjà depuis un an les "AI Overviews", des réponses rédigées aux requêtes des utilisateurs, qui apparaissent dans une cartouche au-dessus des traditionnels liens vers les sites web.
Mardi, il a annoncé le lancement aux Etats-Unis, pour commencer, de "AI Mode", qui va encore plus loin.
L'outil fournira des rapports détaillés et des graphiques, et va bientôt tester des réponses personnalisées en fonction de l'utilisateur, s'il a donné accès son historique de recherche ou sa boîte mail.
Mais le nerf de la guerre pour le numéro un mondial de la publicité numérique, c'est la vente d'espaces publicitaires sur Google et YouTube, ainsi que les commissions.
"Google n'a pas d'autre choix que de monétiser ses nouvelles fonctionnalités d'IA", souligne Jeremy Goldman.
"OpenAI (ChatGPT), Anthropic (Claude) et tous les autres devront également s'y mettre", fait valoir cet analyste d'Emarketer. "Ils finiront tous par avoir de la pub, ils essaient simplement de repousser ce moment le plus longtemps possible pour augmenter d'abord l'adoption de leur service".
Google a l'avantage que les internautes sont déjà habitués à la publicité sur Google.
"L'avenir des autres entreprises dépend en partie de leur capacité à habituer les consommateurs à voir des pubs là où ils n'en voyaient pas auparavant", ajoute M. Goldman.
- "Clics de meilleure qualité" -
Mercredi, Google a annoncé étendre les publicités dans AI Overviews, et commencer à les tester dans AI Mode. Par exemple, si la réponse consiste en un tutoriel complet rédigé, il pourra comprendre une annonce en rapport avec la question posée.
D'après Vidhya Srinivasan, vice-présidente chargée de la publicité et du commerce sur Google, la fonction AI Overviews apporte "plus de satisfaction" aux utilisateurs, et les encourage à faire des recherches "plus souvent", y compris des requêtes commerciales, ce qui crée "davantage d'opportunités pour les annonceurs".
Liz Reid, responsable de la recherche en ligne au sein du groupe californien, a de son côté assuré que les AI Overviews entraînent des "clics de meilleure qualité vers les sites web", au sens où "les internautes passent plus de temps sur ces sites".
"Ils explorent vraiment, et c'est aussi notre objectif avec le AI Mode", a-t-elle continué.
Google a besoin de défendre la relégation des liens au second plan, voire leur disparition progressive, car beaucoup d'éditeurs de sites internet se plaignent que les assistants IA se servent dans leurs contenus pour répondre directement aux utilisateurs, sans leur générer de trafic, et donc de revenus.
"Les internautes cliquent moins. Depuis le lancement des AI Overviews, le pourcentage de clics sur les liens les mieux classés est passé de 5,6% à 3,1%. Ce n'est pas une petite baisse, c'est un changement structurel", commente Jeremy Goldman.
- "Gagner du temps" -
Les abonnements payants aux outils d'IA générative ne suffiront pas. Google et ses nouveaux rivaux vont devoir inventer de "nouveaux modèles économiques" pour connecter les marques aux résultats rédigés, estime Roger Beharry Lall, directeur de recherche en marketing chez IDC.
Il table sur l'arrivée de sortes de publi-reportages générés par l'IA.
"L'enjeu pour les plateformes sera alors de différencier clairement les publicités des contenus générés de manière objective", remarque-t-il. "Les autorités auront sans doute leur mot à dire, l'Union européenne en tête".
En attendant, selon les deux experts, le statut incontournable de Google dans la recherche en ligne n'est pas encore menacé.
L'entreprise a certes "raison de s'inquiéter" et de chercher des solutions, à l'heure où ChatGPT vient d'ajouter un service de shopping.
Mais "Google est tellement présent dans la vie des consommateurs, ce n'est pas parce qu'ils ne reçoivent pas de publicités sur d'autres plateformes qu'ils cessent d'utiliser le moteur de recherche", tempère M. Goldman.
La firme de Mountain View a dû faire du rattrapage depuis le lancement phénoménal de ChatGPT fin 2022, mais elle a beaucoup d'avance dans les technologies publicitaires.
"La recherche boostée à l'IA ne suffira pas à sauver la position dominante de Google", indique l'analyste. "Mais la monétisation des nouveaux outils, la créativité dans les formats publicitaires et la confiance des utilisateurs devraient lui permettre de gagner du temps."
A.Sengupta--MT