

Législatives au Suriname pour décider qui gérera la future manne pétrolière
Entre continuité autour de l'actuel président Chan Santokhi, ou retour de la domination du parti de l'ex-président récemment décédé Desi Bouterse, le Suriname va élire ses députés à l'Assemblée qui décidera du nouveau tandem présidentiel de ce petit pays pauvre d'Amérique du sud promis à des lendemains meilleurs grâce au pétrole.
Cette ancienne colonie néerlandaise, minée depuis son indépendance en 1975 par des rebellions et coups d'Etat, dispose d'importantes réserves pétrolières off-shore découvertes récemment. Elles devraient offrir au pays, où 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté, une importante manne financière à partir de 2028, quand débutera la production.
Le président sortant Chan Santokhi, ancien policier puis ministre de la Justice, rendu célèbre pour sur la lutte contre la corruption et le trafic de drogue, vise un deuxième mandat.
Auteur de réformes économiques impopulaires pour sortir du surendettement, il promet des investissements dans divers domaines grâce à l'or noir mais fait face à l'ombre de l'ancien président Desi Bouterse (2010-2020), qui avait dirigé le pays d'une main de fer après un coup d'Etat en 1980.
Condamné aux Pays-Bas pour trafic de cocaïne et au Suriname pour le meurtre d'opposants en 1982 lorsqu'il était chef de la junte, Bouterse est décédé en décembre dans la clandestinité. Sa figure reste toutefois célébrée, notamment parmi la classe populaire où son franc-parler faisait merveille.
Les intentions de vote donnent un légère avance au camp du VHP, le parti de M. Santokhi, sur le NDP de Boutserse désormais dirigé par Ashwin Adhin, ex-vice-président, et Jennifer Simons, présidente de l'Assemblée nationale.
Sur les 51 sièges du Parlement, le VHP en décrocherait entre 16 et 18, pas assez pour gouverner seul, et le NDP entre 14 et 16. Les deux partis affirment qu'ils ne feront pas alliance.
Avec un corps électoral de 399.937 inscrits, la marge d'erreur est grande, et l'incertitude sur le score tout autant.
L'ABOP de l'actuel vice-président et ancien chef rebelle Ronnie Brunswijk, également condamné pour trafic de cocaïne, et le NPS de Gregory Rusland pourraient faire office d'arbitres. Le NPS est le parti de l'ancien président Ronald Venetian, qui a dirigé le pays de 1991 à 1996 puis de 2000 à 2010.
Sans compter les petits partis qui décrocheront un ou plusieurs sièges... qu'ils monnayeront pour une place dans le futur gouvernement.
Les résultats ne seront que provisoires dimanche soir. Une fois qu'ils seront rendus officiels par l'autorité électorale, d'ici trois semaines, la nouvelle Assemblée nationale aura un mois pour se réunir et élire à la majorité des deux-tiers le président et le vice-président.
- Plus de 700 candidats -
Parmi les plus de 700 candidats des 14 partis en lice aux législatives figure Ingrid Bouterse-Waldring, la veuve de Desi Bouterse, sous le mandat duquel le Suriname était considéré comme un narco-Etat, selon des sources diplomatiques.
L'arrivée au pouvoir de M. Santokhi avait rassuré les marchés financiers et les institutions internationales, notamment le Fonds monétaire international qui avait accordé un prêt pour aider le pays à restructurer sa dette abyssale. Mais les survols non-autorisés d'avions, considérés transportant de la cocaïne notamment produite en Colombie, ont eux augmentés depuis 2020, selon les mêmes sources.
Cette élection décidera quel parti prendra les rênes d'un pays aux finances assainies mais à sec en attendant les dividendes du pétrole avec l'exploitation d'un bloc offshore à 220.000 barils par jour. C'est beaucoup plus que les 5 à 6.000 aujourd'hui, et cette manne va transformer un Suriname en manque criant d'infrastructures, mais pas forcément assez pour devenir un nouvel eldorado, selon des spécialistes qui tempèrent l'euphorie.
"Cet argent sera utilisé pour la diversification de notre économie", a assuré à l'AFP M. Santokhi, citant agriculture, tourisme, santé, éducation et énergies vertes.
Malgré l'exploitation d'énergies fossiles, il se dit certain que le pays néerlandophone, couvert à 90% de forêts et affecté par l'érosion côtière, continuera d'être l'un des rares au monde à absorber plus de dioxyde de carbone qu'il n'en émet.
L.Dubey--MT