Madras Times - "Fini la pétrochimie": à Bruxelles, des emballages à base de champignons

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"Fini la pétrochimie": à Bruxelles, des emballages à base de champignons
"Fini la pétrochimie": à Bruxelles, des emballages à base de champignons / Photo: Nicolas TUCAT - AFP

"Fini la pétrochimie": à Bruxelles, des emballages à base de champignons

D'un blanc laiteux, légers et prêts à accueillir des savons, des emballages produits à partir de champignons attendent les visiteurs de la "première usine de mycomatériaux d'Europe", revendique son PDG.

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Ceux-là sont "destinés à des hôtels", explique Julien Jacquet, à la tête de la société belge Permafungi qui fabrique ces packagings entièrement biodégradables.

Le fondateur ne s'en cache pas, il est du genre "idéaliste", un David contre Goliath qui voudrait défier la montagne des polystyrènes polluants avec ses nouveaux produits durables.

Mais la quête de rentabilité s'annonce rude. A ce stade, Permafungi reste dans une niche avec ses emballages sur mesure pour des savonneries plutôt haut-de-gamme.

A Bruxelles, dans le petit milieu de l'économie circulaire, cette entreprise de 12 salariés s'est bâtie une notoriété depuis une dizaine d'années en recyclant le marc de café des bistrots pour produire des champignons comestibles.

Afin de passer à la vitesse supérieure, elle vient d'ouvrir, après deux ans de travaux, une usine qui s'attaque au secteur ultra concurrentiel de l'emballage.

Julien Jacquet critique les emballages industriels "produits à l'autre bout du monde" et dérivés du pétrole. Lui voudrait "rapprocher l'utilisateur du packaging", grâce aux... champignons de la forêt de Soignes, qui jouxte la capitale belge.

En pratique, l'entreprise récupère d'abord des déchets que des industries traditionnelles délaissent, comme la sciure de bois, et les place dans des moules.

Puis le mycélium - considéré comme la racine du champignon - fait son travail. En se nourrissant des déchets, il se développe et prend la forme voulue par le client. La masse à la "texture de tofu" termine son parcours en salle de séchage avant d'être démoulée puis livrée.

- "Beaucoup de promesses" -

"Fini la pétrochimie. Ici les champignons poussent et on les aide grâce au recyclage de l'eau de pluie et à la coopération des machines" qui accélèrent la production, revendique l'entrepreneur.

Panneaux solaires sur le toit, local à vélo en bois, le projet est dans l'air du temps.

Il résonne avec une loi européenne qui prévoit que tous les emballages soient recyclables à partir de 2030.

Permafungi a ainsi bénéficié d'une subvention de deux millions d'euros de l'Union européenne ainsi que d'aides régionales.

La petite entreprise a en outre réussi à convaincre un investisseur privé, le fonds suisse Après-Demain - groupe pharmaceutique du milliardaire Thierry Mauvernay - qui a mis un million d'euros dans le projet.

Ce fonds "veut soutenir une entreprise à impact" , qui utilise des ressources de proximité plus "respectueuses de l'environnement", explique l'un de ses responsables Sébastien Beth.

Mais "pour durer", l'entreprise bruxelloise aura besoin "d'être rentable dans les deux à cinq ans", reconnaît cet investisseur aguerri.

Des développements sont annoncés avec deux vignobles, une marque de montres et une enseigne de bougies. Julien Jacquet table sur un chiffre d'affaires de trois millions d'euros dans trois ans.

De l'Europe aux Etats-Unis, des projets à base de champignons sont régulièrement lancés depuis le milieu des années 2000.

"Il y a eu beaucoup de promesses depuis très longtemps, y compris pour fabriquer des biocarburants", mais le problème "c'est la mise à l'échelle et le coût", explique Luc Vernet, du centre de réflexion Farm Europe, spécialiste de l'agriculture et de l'alimentation.

"Le point du blocage" demeure "la concurrence des produits fossiles, portés par un prix du pétrole bas", souligne-t-il.

L'UE promet fin novembre une stratégie sur la bio-économie, dont un soutien aux biomatériaux.

L'enjeu est crucial en matière d'emballages, source de pollution toujours plus grande. Selon les données de l'UE, chaque Européen produisait près de 190 kg de déchets d'emballages en 2021 et ce chiffre passera à 209 kg en 2030, sans mesures supplémentaires.

Julien Jacquet souligne aussi que son projet permet d'ouvrir une usine en ville, dans une Europe qui a tant souffert de la désindustrialisation.

Le nouveau site de Permafungi est installé à quelques centaines de mètres de l'usine automobile Audi, définitivement fermée depuis fin février et qui employait quelque 3.000 salariés à Bruxelles.

Z.Bhatia--MT