

Ce que l'on sait de l'incendie historique de l'Aude
Avec ses paysages calcinés à perte de vue, l'incendie qui a parcouru 16.000 hectares en 48 heures dans l'Aude a marqué par son ampleur et sa vitesse de propagation exceptionnelles.
Deux jours après avoir été maîtrisé, l'enquête s'oriente vers la piste criminelle.
Voici ce que l'on sait de ce feu qui a fait un mort et deux blessés graves et de son caractère inédit:
- Son origine potentiellement volontaire -
Le feu est parti vers 16H15 le 5 août de la commune de Ribaute, à une quarantaine de kilomètres à équidistance entre Narbonne et Carcassonne. Il s'est déclaré le long de la RD212 qui relie les villages de Lagrasse et Ribaute.
Une enquête a été ouverte dès le 6 août par les services de gendarmerie de l'Aude et de la section de recherche de Montpellier. Le parquet de Carcassonne, initialement compétent géographiquement, s'est dessaisi le 9 août au profit du pôle régional de l'environnement du parquet de Montpellier.
Les "experts estiment qu'au regard des conditions de départ du feu, celui-ci pourrait avoir une cause criminelle résultant d'un acte volontaire", a déclaré le procureur de la République de Montpellier, précisant que la première expertise devrait être "confirmée par des investigations complémentaires".
Si l’enquête confirme l'origine criminelle, les "réponses pénales devront être extrêmement sévères", estime la ministre de l'Agriculture Annie Genevard.
- Sa vitesse de propagation -
Les pompiers sont intervenus en moins de sept minutes et ont mobilisé "le maximum des capacités nationales" aériennes, selon la préfecture.
Malgré un dispositif "colossal" de plus de 2.000 pompiers, selon la préfecture, le massif des Corbières s'est embrasé "au grand galop", rapporte Bruno Zubieta, élu de Villesèque-des-Corbières: la zone parcourue par le feu est passée de 50 à 4.000 hectares en cinq heures, pour atteindre 16.000 hectares en à peine plus de 48 heures.
Ce jour-là, Météo-France avait placé l'Aude en vigilance rouge pour risque "très élevé" d'incendies.
Sous l'effet conjugué de la tramontane, un vent sec et chaud, soufflant en rafales à 50 km/h, de la sécheresse, d'un taux d'humidité inférieur à 30%, de températures supérieures à 30°C, le feu a atteint "une vitesse de propagation de 1.000 hectares par heure", selon le colonel Christophe Magny, chef du service d'incendie et de secours de l'Aude.
Les flammes se sont déplacées à la vitesse "incroyable" de 5 à 6 km/h, explique l'agroclimatologue Serge Zaka. Maîtrisé le 10 août, soit cinq jours après son déclenchement, le feu ne sera pas "éteint avant plusieurs semaines", a prévenu le colonel Magny.
- Sa topographie aggravante -
Constitué de montagnes et de monts, le massif des Corbières, transition entre le Massif central et les Pyrénées, a un relief escarpé qui a pu, selon l'expert Serge Zaka, créer un "effet cheminée": l'air chaud monte rapidement, créant "un courant d'air vertical qui accélère la combustion et aspire les flammes vers le haut".
Ce type de relief crée, selon lui, une "inflammation plus précoce" et un "échauffement plus rapide" des végétaux, d'autant que les résineux et la garrigue des Corbières constituent déjà un combustible naturel puissant.
- Son impact sur la population locale -
Une femme de 65 ans a été retrouvée morte à son domicile de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse. La préfecture a décompté 24 blessés dont un habitant grièvement brûlé et un pompier victime d'un traumatisme crânien.
Au moins 2.000 personnes ont été évacuées des 16 villages sinistrés, la plupart n'ont pu regagner leur domicile que le 8 août.
Jusqu'à 5.000 foyers ont été privés d'électricité en raison de pylônes et poteaux brûlés ou effondrés, huit communes n'étaient plus alimentées en eau potable. Et 36 maisons ont été détruites, 20 autres endommagées, 21 hangars agricoles et chalets détruits et 54 véhicules ont brûlé.
Quelque 2.200 hectares de cultures ont été parcourus par le feu, selon le procureur. Dont "1.000 à 1.500 hectares de vignobles" qui "ont été fortement impactés", selon le vice-président de la FNSEA Jérôme Despey. La ministre de l'Agriculture a promis un fonds d'urgence de huit millions d'euros, une avance de 10.000 euros par producteur et un dispositif d'exonération fiscale.
- Un incendie hors normes -
"Catastrophe d'une ampleur inédite", selon le Premier ministre François Bayrou, l'incendie est le pire depuis au moins 50 ans sur le pourtour méditerranéen français, selon la Base de données gouvernementale des incendies de forêt en France (BDIFF) qui répertorie depuis 1973 la surface totale parcourue par les flammes.
Avec ses 16.000 hectares parcourus, dont 13.000 ont brûlé, selon la Sécurité civile, c'est aussi le plus gros incendie de l'été 2025 dans l'Hexagone.
Fin juillet, à la moitié de la saison estivale et avant que celui-ci ne se déclenche, la Sécurité civile avait comptabilisé plus de 15.000 hectares brûlés sur le territoire national pour 9.000 départs de feu, principalement sur le littoral méditerranéen.
Q.Kulkarni--MT