

Etat Palestinien: Macron prédit un moment "décisif" mais reste flou sur ses intentions
"Le moment est décisif." Emmanuel Macron fait monter les enjeux mais entretient le suspense: reconnaitra-t-il, dès la semaine prochaine, un Etat palestinien, comme il l'a ouvertement envisagé, ou préférera-t-il temporiser? A cinq jours d'un rendez-vous clé à l'ONU, toutes les options semblent sur la table.
Le président français intervient vendredi à Paris en clôture d'un forum de la société civile qui va lancer un "appel pour la solution à deux Etats".
Il ne devrait pas lever totalement le voile sur ses intentions dans ce discours au Conseil économique, social et environnemental, mais préparer le terrain avant la conférence internationale qu'il coprésidera avec l'Arabie saoudite, le 18 juin au siège des Nations unies, à New York.
En avril, dans le vol retour d'Egypte où il s'était rendu aux portes de la bande de Gaza sous blocus humanitaire israélien, Emmanuel Macron avait annoncé que la France pourrait reconnaître l'Etat palestinien "en juin", et rejoindre ainsi près de 150 pays qui l'ont déjà fait.
Mais depuis, il a envoyé des signaux contradictoires sur sa volonté de franchir ce pas diplomatique retentissant dès la semaine prochaine.
Il a ainsi dit vouloir que "d'autres pays" l'accompagnent et a évoqué des "reconnaissances réciproques", ce qui impliquerait que de nouveaux Etats arabo-musulmans normalisent leurs relations avec Israël. Puis il a énuméré plusieurs conditions, dont la "démilitarisation" du Hamas et la "non-participation" du mouvement islamiste palestinien à la gouvernance de cet Etat.
Autant de prérequis très loin d'être réunis à ce stade.
C'est en février 2024, en recevant à l'Elysée le roi Abdallah II de Jordanie, qu'Emmanuel Macron a pour la première fois affirmé que "la reconnaissance d'un Etat palestinien" n'était "pas un tabou pour la France".
Ses équipes se sont ensuite employées à préciser que ce geste devait intervenir lorsqu'il serait "utile" plutôt que purement "symbolique" -- pour se distinguer de pays comme l'Irlande ou l'Espagne qui l'ont fait l'an dernier sans faire bouger les lignes.
- Inconnue saoudienne -
Aussi, ses diplomates ont tenté de créer ce qu'ils appellent une "convergence euro-arabe" pour relancer une perspective politique face la guerre qui se poursuit à Gaza, à l'intransigeance israélienne et au plan présenté par Donald Trump après son retour à la Maison Blanche, qui prévoyait un possible déplacement massif des Palestiniens de l'enclave assiégée.
Mais les Européens restent divisés, l'Allemagne estimant qu'une reconnaissance aujourd'hui serait "un mauvais signal".
Dans ce contexte, Emmanuel Macron veut au minimum "déclencher un mouvement" pour ressusciter cette solution à deux Etats moribonde dont le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu ne veut pas entendre parler.
Qu'il reconnaisse dès mercredi l'Etat palestinien ou un peu plus tard, il entend poser un cadre, un calendrier, avec des échéances précises et "irréversibles", selon des sources diplomatiques.
Il s'est donc cherché des alliés, et a signé en mai une déclaration commune avec les Premiers ministres britannique et canadien, Keir Starmer et Mark Carney, dans laquelle ils se disent "déterminés à reconnaître un Etat palestinien". Reste à savoir s'ils sont prêts à accompagner une éventuelle annonce française.
Il a aussi affiché un front uni, au Caire, avec l'Egypte et la Jordanie, apportant son soutien au plan arabe censé contrecarrer le plan Trump. Avec l'espoir que ces pays soutiennent en retour une démilitarisation du Hamas, voire une exfiltration de ses chefs encore à Gaza.
La démilitarisation du Hamas est d'ailleurs l'un des engagements écrits qu'il a obtenu du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dans une lettre cette semaine, avec la condamnation de l'attaque sans précédent du 7 octobre 2023 menée par le mouvement en Israël. "Des engagements concrets et inédits qui témoignent d’une volonté réelle d’avancer", s'est félicité jeudi le chef de l'Etat français sur X.
Objectif: réunir un maximum de contreparties pour montrer à Israël et aux Etats-Unis que l'initiative française n'est pas hostile, mais au contraire une alternative au statu quo qui est aussi dans l'intérêt des Israéliens, selon des diplomates français.
Une émissaire d'Emmanuel Macron s'est ainsi rendue la semaine dernière en Israël pour tenter de rassurer.
Mais pour l'instant, la diplomatie israélienne reste remontée à bloc, accusant le président français d'être "en croisade contre l'Etat juif".
L'autre grande inconnue est la position du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, associé à la conférence, et dont la France espère un coup de pouce substantiel, un pas au moins esquissé vers la reconnaissance à terme d'Israël.
V.Subramanian--MT