Géorgie : le pouvoir menace l'opposition au lendemain d'une manifestation
Le Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidzé a promis dimanche des représailles contre l'opposition après une manifestation la veille marquée par une tentative d'irruption dans le palais de la présidence, repoussée par la police.
Des dizaines de milliers de Géorgiens pro-européens s'étaient rassemblés dans le centre de Tbilissi pour protester contre le gouvernement, jusqu'à minuit samedi, le jour où se déroulaient des élections locales, boycottées par plusieurs partis de l'opposition.
D'après la commission électorale, le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, a obtenu la majorité dans toutes les municipalités en lice à l'issue de ce premier test pour cette formation politique depuis les législatives d'octobre 2024 qu'elle a officiellement remportées mais dont le résultat est contesté par ses opposants.
Dimanche soir, des centaines de personnes ont manifesté devant le Parlement, bloquant la circulation sur la principale avenue de la capitale.
La veille, la police avait fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau pour empêcher les protestataires de pénétrer dans la présidence.
Des échauffourées avaient aussi eu lieu entre les forces de l'ordre et des manifestants, qui avaient érigé des barricades et y avaient mis le feu.
"Plusieurs personnes ont déjà été arrêtées, en premier lieu les organisateurs de la tentative de renversement" du pouvoir, a déclaré le chef du gouvernement dimanche. "Personne ne restera impuni (...), beaucoup d'autres doivent s'attendre à des condamnations", a-t-il ajouté.
Irakli Kobakhidzé avait auparavant qualifié la manifestation de samedi de "tentative de coup d'Etat", assurant qu'elle avait été "planifiée par des services de renseignement étrangers", sans les nommer.
- Arrestations -
"Cette force politique – un réseau d'agents de l'étranger – sera complètement neutralisée et ne sera plus autorisée à intervenir dans la politique géorgienne", a-t-il mis en garde, évoquant le principal parti d'opposition, le Mouvement national uni (MNU) de l'ancien président emprisonné Mikhaïl Saakachvili.
Ce dernier, qui purge une peine de 12 ans et demi de prison pour notamment abus de pouvoir, avait demandé à ses partisans de manifester pour ce qu'il jugeait être la "dernière chance" de sauver la démocratie géorgienne.
Une enquête a été ouverte pour "appels à renverser par la violence l'ordre constitutionnel et l'autorité de l'Etat" et cinq dirigeants du mouvement de contestation ont été arrêtés, a fait savoir le ministère de l'Intérieur.
Parmi les personnes interpellées figurait le chanteur d'opéra et militant de renommée mondiale Paata Burchuladze, qui avait au cours de la manifestation de samedi lu, sous un tonnerre d'applaudissements, une déclaration dans laquelle le gouvernement était qualifié d'"illégitime".
La chaîne de télévision soutenant l'opposition Pirveli a révélé que cet homme de 70 ans avait été admis aux soins intensifs d'un hôpital de Tbilissi à la suite d'une crise cardiaque.
Dimanche soir, le Service de la sécurité d'Etat (SSS) a affirmé avoir découvert dans une forêt près de la capitale une importante cache d'armes à feu, de munitions et d'explosifs destinés à commettre des "actes subversifs" à l'occasion des élections locales, ainsi qu'à prendre le palais présidentiel.
Selon le SSS, un Géorgien s'est procuré ce matériel sur instruction de l'un de ses compatriotes combattant aux côtés des forces ukrainiennes.
- Appel de l'UE au "dialogue" -
Après les législatives de 2024, les soutiens de l'opposition avaient organisé pendant des mois des manifestations, dont certaines avaient été réprimées par la police.
Les autorités avaient fait procéder à des dizaines d'arrestations, renforcé la législation répressive et accru leur pression sur les médias indépendants.
Le Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012, est accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire et de vouloir abandonner les ambitions de la Géorgie, une ex-république soviétique du Caucase, d'entrer dans l'Union européenne au profit d'un rapprochement avec Moscou.
Il a en particulier pris des mesures anti-LGBT et contre les "agents de l'étranger" fustigées par l'UE, qui a exhorté dimanche les Géorgiens à "s'abstenir de toute violence".
"Un dialogue constructif et inclusif impliquant tous les acteurs politiques et la société civile est essentiel", ont à cet égard insisté dans leur communiqué la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne Kaja Kallas et la commissaire chargée de l'élargissement de l'UE Marta Kos.
Les autorités locales accusent pour leur part les Occidentaux de chercher à ouvrir en Géorgie un deuxième front face à la Russie.
D.Sinha--MT