

Recherche sur Alzheimer: quelques avancées et beaucoup de débats
La recherche contre la maladie d'Alzheimer, dont c'est la journée mondiale ce dimanche, continue à avancer, notamment en matière de diagnostic. Mais on reste loin de savoir traiter la maladie, et de vives controverses demeurent.
- Que valent les nouveaux traitements?
C'est le grand débat actuel autour de la maladie d'Alzheimer, la plus courante des démences avec des dizaines de millions de malades dans le monde. Tout juste commercialisés, de nouveaux traitements ont-ils un réel intérêt?
Le Kisunla (donanémab) d'Eli Lilly et le Leqembi de Biogen et Eisai (lécanémab), sont, après plusieurs décennies de recherches infructueuses, les premiers à démontrer un effet aussi marqué dans le ralentissement des symptômes.
Mais ces bénéfices, uniquement constatés chez des patients en début de maladie, restent très modestes et, selon certains experts, ne font quasiment aucune différence. Or, ces médicaments peuvent aussi provoquer de graves hémorragies cérébrales.
A travers le monde, les autorités sanitaires ont pris des décisions contrastées sur ces traitements. Dernière à s'être prononcée, la France a jugé inopportun début septembre de les rembourser dans l'immédiat.
Si certaines associations de lutte contre la maladie, notamment au Royaume-Uni, poussent fortement pour leur autorisation, d'autres tiennent une position plus équilibrée.
Le Leqembi est une "innovation thérapeutique", mais il faut "garder à l'esprit les limitations intrinsèques" à ce traitement, prévenait au printemps France Alzheimer, principale organisation française dans le domaine.
- Comment diagnostiquer la maladie?
Plus discret, un autre débat agite les spécialistes, avec un clivage grandissant entre Europe et Etats-Unis: comment diagnostiquer la maladie d'Alzheimer?
De grandes avancées ont été réalisées pour permettre un diagnostic très simple, via une prise de sang qui permet de repérer les "marqueurs biologiques" de mécanismes cérébraux impliqués dans la maladie.
C'est une révolution par rapport aux tests en vigueur, par exemple des ponctions lombaires, dont le caractère lourd et coûteux exclut de fait de nombreux patients.
Un premier test sanguin est autorisé depuis mai aux Etats-Unis. Ce n'est pas le cas en Europe, mais un vaste programme est en cours au Royaume-Uni pour évaluer si ces tests changent la donne: un essai clinique vient d'être lancé.
Mais ces tests se suffiront-ils un jour à eux-mêmes? Les positions divergent. Fin 2024, l'Alzheimer's Association, l'organisation de référence aux Etats-Unis, a changé ses critères pour considérer que les seuls biomarqueurs suffisent à poser un diagnostic.
En Europe, les spécialistes continuent à considérer qu'un examen clinique approfondi restera nécessaire pour confirmer la perte des capacités cognitives et fonctionnelles.
"Beaucoup de patients ont des biomarqueurs anormaux mais ne développent jamais une démence", explique à l'AFP le neurologue néerlandais Edo Richard, par ailleurs sceptique sur les nouveaux traitements.
Les deux questions se rejoignent car les défenseurs des Leqembi et Kisunla estiment qu'un diagnostic précoce, avant des symptômes cliniques marqués, pourrait démultiplier l'effet de ces traitements.
- La prévention peut-elle être efficace?
Il y a consensus sur les multiples facteurs de risque de la maladie d'Alzheimer et plus largement des démences. Selon un bilan d'experts paru en 2024 dans le Lancet, près de la moitié des cas sont liés à des facteurs identifiables: mauvaise audition, tabagisme, obésité...
Mais les experts divergent sur le degré auquel ce constat peut se traduire en actions concrètes et efficaces.
De plus en plus d'études testent l'efficacité de programmes d'accompagnement qui encouragent les patients à une activité physique régulière et une meilleure alimentation. Mais ces essais "n'ont eu que peu ou pas d'effets sur le déclin cognitif ou l'apparition de démence", rapporte M. Richard.
Dernière en date, une étude, publiée cet été dans la revue JAMA, a mesuré aux Etats-Unis les capacités cognitives de patients qui avaient subi pendant deux ans un accompagnement intensif. Leur dégradation a été un peu ralentie, mais l'effet reste modeste.
Pour certains observateurs, "ce n'est pas grand chose", admettait mi-septembre l'épidémiologiste française Cécilia Samieri lors d'une conférence organisée par la fondation française Vaincre Alzheimer.
Mais, pour elle, "c'est déjà énorme". La chercheuse considère que seuls des essais sur dix ou quinze ans pourraient faire justice à l'efficacité d'interventions contre des troubles au développement aussi prolongé.
V.Chauhan--MT