Manifestations en Iran: un bâtiment officiel ciblé par une attaque, "fermeté" des autorités
Un bâtiment gouvernemental a été ciblé par une "attaque" mercredi dans le sud de l'Iran, selon les autorités, trois jours après le déclenchement à Téhéran d'une mobilisation contre la vie chère, face à laquelle le pouvoir judiciaire a affiché sa "fermeté".
"La porte d'entrée (...) du bâtiment du gouverneur provincial a été endommagée lors d'une attaque perpétrée par plusieurs individus", a déclaré le chef du pouvoir judiciaire de la ville de Fassa, Hamed Ostovar, sans préciser les circonstances ni mentionner les manifestations.
Fassa se situe à 780 kilomètres au sud de Téhéran, où un mouvement spontané initié par des commerçants contre la vie chère a éclaté dimanche, avant de s'étendre à au moins dix universités dans le pays.
"Les manifestations pacifiques pour la défense des moyens de subsistance (...) sont compréhensibles", avait plus tôt déclaré mercredi le procureur général de la République islamique, Mohammad Movahedi-Azad, cité par la télévision d'Etat.
Mais "toute tentative visant à transformer les manifestations économiques en un outil d'insécurité, de destruction des biens publics ou de mise en oeuvre de scénarios conçus à l'étranger sera inévitablement suivie d'une réponse légale, proportionnée et ferme", a-t-il mis en garde.
Le Mossad, le service de renseignement extérieur israélien, a invité en persan, sur le réseau social X, les protestataires iraniens à intensifier leur mobilisation, affirmant être présent avec eux "sur le terrain".
L'Iran, qui ne reconnaît pas Israël, l'accuse depuis longtemps de mener des opérations de déstabilisation sur son territoire et de sabotage contre ses installations nucléaires.
- "Pour un bout de pain" -
Ces manifestations sporadiques contre l'hyperinflation et le marasme économique ont débuté dimanche dans le plus grand marché pour téléphones portables de Téhéran. Mardi, des étudiants ont manifesté dans des universités de la capitale et de plusieurs villes iraniennes, selon les agences de presse Irna et Ilna.
Le vice-président de l'Université de Téhéran, Mohammad Reza Taghidokht, a indiqué dans les médias que quatre étudiants avaient été arrêtés mardi, puis relâchés dans la nuit.
Ecoles, banques et établissements publics ont été fermés dans la quasi-totalité du pays sur décision des autorités, qui ont invoqué le froid et des économies d'énergie.
Dans la capitale, des universités ont aussi annoncé que leurs cours se tiendraient en ligne toute la semaine prochaine pour cause de froid, d'après Irna.
Les autorités n'ont fait officiellement aucun lien avec les manifestations.
Téhéran enregistre actuellement des températures négatives la nuit, qui ne sont pas exceptionnelles en cette période de l'année.
La monnaie nationale, le rial, a perdu depuis un an plus d'un tiers de sa valeur face au dollar, tandis qu'une hyperinflation à deux chiffres fragilise déjà depuis des années le pouvoir d'achat des Iraniens.
Certains produits de première nécessité deviennent de fait inabordables pour une partie de la population, qui pâtit des sanctions internationales contre l'Iran depuis quatre décennies.
"Tout le monde ici se bat pour un bout de pain", résumait un manifestant interrogé mardi par le quotidien Etemad.
- Anxiété -
La crainte d'un nouveau conflit avec Israël après la guerre de 12 jours qui a opposé les deux pays en juin et le rétablissement en septembre des sanctions onusiennes contre l'Iran pour son programme nucléaire sont des facteurs d'anxiété supplémentaires pour la population.
Un nouveau gouverneur de la Banque centrale, chargé de freiner l'inflation, a pris ses fonctions mercredi après la révocation de son prédécesseur.
Ce mouvement de grogne contre la vie chère est à ce stade sans commune mesure avec les grandes manifestations qui avaient secoué l'Iran fin 2022, après la mort en détention de Mahsa Amini, une jeune iranienne.
Son décès, à la suite d'une arrestation pour un voile prétendument mal ajusté, en infraction avec le strict code vestimentaire en vigueur, avait soulevé une vague de colère, dans laquelle plusieurs centaines de personnes avaient trouvé la mort, dont des dizaines de membres des forces de sécurité.
En 2019, des manifestations avaient aussi éclaté en Iran après l'annonce d'une forte hausse du prix de l'essence. La contestation avait alors touché une centaine de villes, dont Téhéran, et fait des dizaines de morts.
I.Khatri--MT